Fédération de la Haute-Vienne de la Libre Pensée

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L'églantine et le muguet

  • 20 septembre 2023

    Dans ce livre, Danièle Sallenave, membre de l’Académie française, écrit un journal d’un voyage particulier qu’elle a entamé début 2017 dans son Anjou natal. Originaire de Savennières dans le Maine et Loire, elle a reçu « une éducation républicaine sur une terre qui ne l’était pas ». Au fil du journal et des lieux visités, qui ne doivent rien au hasard, elle essaie d’expliquer la contradiction issue des événements historiques qui ont marqué ces terres, la révolte paysanne qui a été à l’origine de la guerre de Vendée et la tentative de la mater, menée par les soldats de la Révolution. Ces événements marquent encore ces lieux et les séparent profondément, géographiquement, historiquement et politiquement. Dans ces terres, la différence est visible, même dans les paysages, entre les républicains et les tenants de l’ancien régime, promus, encouragés par l’église catholique : peu de monuments républicains, mais des châteaux, des croix à tous les chemins et des clochers d’églises dans chaque bourg.

    Son voyage se déroule dans un triangle qu’elle qualifie de « fatal ». Au sud, la ville de Cholet dans les Mauges, marquées par la guerre de Vendée, au nord la ville de Segré, avec le collège de Combrée, fer de lance de l’enseignement catholique, et à l’est, Trélazé, la ville des ardoisières, banlieue « rouge » d’Angers. Chaque jour, elle se dirige vers un nouveau bourg, village ou château, où se sont déroulés des épisodes sanglants de la guerre de Vendée, ou bien d’où sont originaires des personnages qui ont marqué l’histoire contrariée et contradictoire de la république et des principes républicains : il en est ainsi du château  du maréchal de Bourmont à Freigné qui commanda l’expédition d’Alger en 1830, ou le château du Bourg d’Iré près de Segré, où réside le comte de Falloux qui fit voter en 1850, la loi sur la « liberté de l’enseignement », qui n’est toujours pas abrogée à ce jour…

    Son journal est le récit d’un enfantement douloureux de la république et des idéaux républicains. « Vendéens et chouans, c’est une épine au flanc de la république ; l’Algérie aussi ». Il est documenté par des recherches historiques, des plongées dans le présent, notamment sur la colonisation en Algérie « un passé qui ne passe pas », et, tout au long du récit, l’importance de la l’école laïque, de l’instruction, au service de l’émancipation, de la pensée libre.

    Danièle Sallenave revient constamment sur cette école laïque, où elle a grandi. Sa grand-mère était institutrice, ses parents étaient instituteurs. Son père a débuté sa carrière à Trélazé, cité des ardoisiers. En 1790, la révolte des ardoisières est une émeute de la faim, occasionnée par la cherté du pain. Trélazé, haut lieu de l’anarchisme français, où la place de l’église est nommée place Francisco-Ferrer. En 1935, avec d’autres instituteurs et des ouvriers ardoisiers, son père y a créé un club sportif, le club de l’Églantine, en référence à l’églantine rouge, fleur des socialistes, qui a été supplantée par le muguet, sous le régime de Vichy. Fin 1937, ses parents sont nommés à Savennières, terre de vignerons et de châteaux. Danièle Sallenave évoque alors le Front populaire, la Guerre d’Espagne et les années noires de la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences.

    Ce livre est très dense. Il est riche d’enseignements historiques, mais il ne s’arrête pas à l’histoire, il aborde aussi les questions actuelles tout aussi variées que les voies de communication, la consommation, etc. et il est constamment orienté vers la défense de l’école publique et de la laïcité.

    Marinette Veyssière

    Danièle Sallenave, L’églantine et le muguet, Editions Gallimard Folio, 656 p.