Fédération de la Haute-Vienne de la Libre Pensée

La Pensée Libre et la guerre en Palestine

  • 14 octobre 2023

    La dernière réunion en visioconférence du comité de rédaction de La Pensée Libre du vendredi 13 octobre avait à son ordre du jour la discussion sur la guerre en Palestine. Une discussion passionnée à laquelle ont pris part les8 participants à la réunion et dans laquelle des points de vue communs mais aussi nuancés voire différents ou divergents ont été avancés.

    A l’issue de cette réunion, il a été unanimement décidé de ne pas éditer de déclaration ni de communiqué de la LP87, mais plutôt d’énumérer, pour les adhérents et les abonnés, quelques-uns des nombreux points évoqués dans cette discussion et aussi de publier pour information, plusieurs points de vue notamment d’israéliens et palestiniens. Vous trouverez donc ci-dessous ces différentes contributions.

    Le comité de rédaction

     

    Quelques points évoqués par les membres du comité de rédaction de La Pensée Libre :

    -La guerre en Palestine ne date pas d’il y a 6 jours, mais depuis 1947, quand l’ONU et les grandes puissances occidentales ont décidé de créer un état religieux au cœur de la Palestine en expulsant un million de palestiniens qui ont été ensuite envoyés dans des camps de réfugiés au Liban, en Jordanie et dans de nombreux autres pays dans le monde.

    -Il faut dénoncer la guerre qui est une guerre de religions. Le Hamas n’est ni un mouvement de libération nationale ni démocratique, mais un mouvement armé, islamiste et fanatique.

    -Depuis le début de l’année ce sont 247 palestiniens qui ont été tués par des colons juifs également fanatiques. Aujourd’hui à la date du 13 octobre, en 6 jours, au nom de la vengeance contre le Hamas, ce sont 6 000 bombes qui ont été envoyées sur Gaza et 1500 hommes, femmes et enfants palestiniens qui ont été tués. Les bombes qui tombent et rasent des quartiers entiers, font-elles la différence entre les membres du Hamas et le reste de la population ?

    -Ce qui s’est passé avec l’agression perpétrée par le Hamas est injustifiable. La fin ne justifie pas les moyens. Rien ne saurait justifier dans une guerre le massacre de civils. Je suis sidéré que dans les 2 jours qui ont suivi ces actes intolérables, il y ait eu des gens de gauche qui aient refusé de caractériser le Hamas d’organisation terroriste.

    -Gaza où 1500 Palestiniens viennent d’être tués par les bombes est assiégée avant une opération terrestre de l’armée israélienne. Un blocus total est organisé, plus d’eau, plus de gaz, plus d’électricité, plus de médicaments, un million de Palestiniens ont pris le chemin de l’exode. Si les massacres perpétrés par le Hamas sont des actes terroristes, comment qualifier alors ceux de l’armée israélienne ?

    -J’ai vu une interview d’Enrico Macias à la télévision qui disait qu’il fallait éliminer physiquement les gens de LFI (La France Insoumise) qui se refusaient à caractériser le Hamas de terroriste...

    -Pour ma part, je condamne fermement les actes barbares du Hamas qui desservent le peuple palestinien. Mais dans sa prise de parole jeudi soir, je constate que Macron a apporté son soutien sans faille à l’Etat d’Israël. Il n’a pas eu un seul mot pour s’élever contre le blocus de Gaza, contre les bombardements depuis 6 jours et plus de 1300 palestiniens tués. Il a brandi la menace d’interdiction en France de toutes manifestations de soutien au peuple palestinien, de dissolution d’organisations. A-t-on toujours le droit de penser autrement que lui et son gouvernement ? A-t-on toujours une possible liberté de conscience dans notre pays ?

    -Il faut faire appel à l’histoire : la guerre en Palestine ne date pas de 1947, mais de quelques millénaires avant l’ère chrétienne avec les cananéens et les premiers foyers de peuplement juifs dans cette partie du Proche Orient. Pour avoir travaillé avec des juifs et des arabes palestiniens, je peux attester qu’il y a souvent de grandes solidarités entre eux dont on ne parle pas pour se limiter à exprimer ce qui les oppose. Il y a eu une belle interview à France Culture du dessinateur et réalisateur Joann Sfar.

    -Effectivement mêmes si c’est très minoritaire, il y a néanmoins des mouvements de femmes palestiniennes et juives pour la paix, des orchestres comme celui du chef d’orchestre Daniel Barenboim avec de jeunes musiciens de Palesne et d’Israël et plein d’autres réalisations de ce type qui montrent la voie à suivre.

    -S’en remettre à l’ONU pour établir la paix ? Il y a eu près de mille résolutions prises par l’ONU sur la Palestine et les droits du peuple palestinien qui n’ont jamais été appliquées.

    -Rappelons-nous Al-Qaïda en Afghanistan, une création des services secrets américains pour lutter soi-disant contre l’occupation des Russes, on a vu ce que c’est devenu. Il est aussi bien connu que les services secrets d’Israël ont tout fait pour réduire la représentativité de l’Autorité Palestinienne et pour ce faire, ont poussé en avant le Hamas. Voilà le résultat.

    -Il faut dire clairement que derrière cette guerre, il y a les religions qui veulent assurer et imposer leur suprématie idéologique et la croyance sur les peuples de la région et il y a les intérêts des états voisins, Iran, Jordanie, Syrie, Quatar, etc. comme les intérêts politiques et économiques des grandes puissances comme les Etats Unis qui se servent d’Israël comme leur bras armé.

     

    En résumé et sans que ce soit une conclusion à nos échanges dans le comité de rédaction de La Pensée Libre, nous pouvons dire comme libres penseurs que :

    -Nous devons condamner la guerre, toutes les guerres. Comme le disait Paul Valéry, « La guerre, c'est le massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent et ne se massacrent pas ».

    -Nous sommes contre les massacres et les barbaries qu’elles engendrent et ceci quels qu’en soient les auteurs, groupes fanatiques religieux ou armées régulières d’Etats,

    -Nous devons aussi affirmer que nous sommes pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, contre toute forme de colonialisme, d’apartheid et de négation de droit à un peuple quel qu’il soit,

    -Face à l’emprise et aux massacres perpétrées par les religions quelles qu’elles soient, nous affirmons que la paix et la démocratie ne peuvent s’instaurer dans le monde sans la laïcité des Etats et des institutions qui leurs sont liées,

    -Dans la situation que nous connaissons aujourd’hui avec la guerre en Palestine, nous affirmons haut et fort que nous ne laisserons pas remettre en cause en France, la liberté de pensée, de conscience, la laïcité, le droit de publier, de manifester, de réunion et d’organisation.

     

    Lettre de Ziad Medoukh, professeur de français à Gaza, correspondant du Mouvement de la Paix

    « Bonjour de Gaza

    Il est 12h 30 ce dimanche 8 octobre 2023 dans cette région dévastée. Enfin, j'ai trouvé un petit moment pour écrire ces mots, ce témoignage et ces sentiments. Car depuis hier à 6h du matin et jusqu'à cette heure, je n'ai pas dormi. Qui arrive à dormir à Gaza avec ces bombardements intensifs et ces attaques sanglantes qui visent à horrifier une population civile enfermée dans une prison à ciel ouvert et qui subit un blocus israélien inhumain depuis plus de 16 ans ?

    Même si c'est très difficile pour un palestinien de Gaza de décrire la terreur et l'horreur de cette nouvelle agression israélienne surtout dans les conditions actuelles avec la pénurie d'électricité de l'eau et de médicaments, mais surtout le brut des avions militaires et les bateaux de la marine tout le temps.

    Le bilan provisoire de victimes palestiniennes ne cesse de s'alourdir avec presque 330 morts dont 25 enfants et 6 femmes, (bilan au bout de jours de bombardements NDLR) et 2200 blessés qui sont entassés dans des hôpitaux débordés et même visés par les bombardements israéliens. Sans oublier la destruction de plusieurs maisons, écoles, immeubles, mosquées, routes et puits d'eau. Ce matin à 2h, deux immeubles et une école en face de ma maison ont été bombardés avec des scènes de panique et de peur pour toute la famille.

    Dieu merci, quelques dégâts et des fenêtres cassées seulement.

    Je suis un être humain, la peur, la crainte, l'inquiétude et l'impuissance font partie de l'humain même si je suis fort et confiant, cependant je suis très inquiet pour mes enfants et tous les enfants de Gaza car la situation actuelle est plus que dramatique.

    Je tiens à remercier en premier lieu tous les amis et les solidaires partout dans le monde pour leurs appels et leurs messages de soutien.

    Vos messages sont un vrai confort pour moi, car avec le silence complice de la communauté internationale officielle et l'attitude de quelques dirigeants il nous reste que vous les personnes de bonne volonté, les courageux solidaires.

    Bravo, vive la solidarité !

    On a vu et entendu hier et ce matin ces dirigeants qui cautionnent les crimes de l'agresseur et ces médias qui défendent l'oppresseur.

    Quand l'impunité est soutenue, terrible !

    Mais pourquoi ces dirigeants et ces médias qui prétendent être libres et indépendants ne parlent jamais de l'origine de ce conflit qui dure depuis plusieurs décennies en l'occurrence l'occupation, la colonisation et le blocus de Gaza ?

    Pourquoi ils n'évoquent pas les provocations israéliennes des colons en présence des ministres israéliens protégés par des soldats sur l'esplanade de la mosquée Al. Aqsa ?

    Pourquoi ils ne mentionnent pas les raids et les incursions de l'armée israélienne dans les villes et les villages palestiniens autonomes en Cisjordanie occupée qui ont fait plus de 250 victimes palestiniennes ?

    Ainsi l'injustice se poursuit !

    Quelques médias francophones m'ont accordé quelques minutes hier et ce matin pour témoigner de la situation actuelle dans la bande de Gaza, c'était bien même si ces médias sont toujours loin de l'objectivité dans leur traitement de ces événements terribles

    Personnellement, j'essaie de faire mon devoir de témoigner et d'informer le monde francophone sur les atrocités de l'occupation dans ma région isolée.

    Toute forme de résistance est légitime en Palestine pour défendre le peuple palestinien sous occupation illégale contre les colons et les soldats occupants y compris la résistance militaire.

    Les quatre sentiments qui règnent dans la bande de Gaza sous les bombes : sentiment de fierté, sentiment d'inquiétude, sentiment d'impuissance et sentiment de confiance.

    On tient bon pour le moment, on garde espoir pour l'avenir. Mais la question qui se pose :

    Jusqu'à quand les Palestiniens de Gaza vont supporter l'insupportable et l'injustice continue ?

    Amitiés palestiniennes de Gaza, la vie malgré la destruction massive à vous toutes et tous.

    La lutte continue, vive la Palestine, vive la résistance et vive la solidarité. »

     

    Ziad Medoukh

    Article de Gideon Levy, journaliste israélien au quotidien Haaretz

    « Israël punit Gaza depuis 1948. Hier, Israël a vu des images auxquelles il ne s’attendait pas de sa vie, à cause de son arrogance.

    Derrière tout ce qui s’est passé, il y a l’arrogance israélienne. Nous pensions que nous avions le droit de faire n’importe quoi, que nous ne paierions jamais de prix ni ne serions punis pour cela. Nous continuons sans confusion. Nous arrêtons, tuons, maltraitons, volons, protégeons les massacres des colons, visitons le Tombeau de Joseph, le Tombeau d’Othniel et l’Autel de Yeshua, le tout dans les territoires palestiniens, et bien sûr nous visitons le Mont du Temple - plus de 5 000 Juifs sur le trône. Nous tirons sur des innocents, leur arrachons les yeux et leur brisons le visage, les déportons, confisquons leurs terres, les pillons, les enlevons de leur lit, procédons au nettoyage ethnique et poursuivons également le siège déraisonnable.

    À Gaza, et tout ira bien.

    Nous construisons une immense barrière autour de la bande de Gaza, sa structure souterraine a coûté trois milliards de shekels (1) et nous sommes en sécurité. Nous comptons sur les génies de l’unité 8200 et des agents du Shin Bet qui savent tout et nous préviendront au bon moment. Nous déplaçons la moitié de l’armée de l’enclave de Gaza vers l’enclave de Huwara juste pour sécuriser les célébrations du trône par les colons, et tout ira bien, que ce soit à Huwara ou à Erez. Il s’avère ensuite qu’un bulldozer primitif et ancien peut franchir même les obstacles les plus complexes et les plus coûteux au monde avec une relative facilité, lorsqu’il existe une forte incitation à le faire. Regardez, cet obstacle arrogant peut être franchi par des vélos et des motos, malgré tous les milliards dépensés pour cela, et malgré tous les experts et entrepreneurs célèbres qui ont gagné beaucoup d’argent.

    Nous pensions pouvoir poursuivre le contrôle dictatorial de Gaza, en jetant ici et là des miettes de faveur sous la forme de quelques milliers de permis de travail en Israël - c’est une goutte d’eau dans l’océan, qui est aussi toujours conditionné à un bon comportement - et en revenez, gardez-le comme leur prison.

    Nous faisons la paix avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis – et nos cœurs oublient les Palestiniens pour pouvoir les éliminer, comme l’auraient souhaité de nombreux Israéliens. Nous continuons de détenir des milliers de prisonniers palestiniens, y compris ceux détenus sans procès, pour la plupart des prisonniers politiques, et nous n’acceptons pas de discuter de leur libération même après des décennies d’emprisonnement. Nous leur disons que ce n’est que par la force que leurs prisonniers pourront obtenir la liberté. Nous pensions que nous continuerions avec arrogance à repousser toute tentative de solution politique, simplement parce que cela ne nous convenait pas, et que tout continuerait certainement ainsi pour toujours. Et une fois de plus, il s’est avéré que ce n’était pas le cas.

    Plusieurs centaines de militants palestiniens ont franchi la barrière et envahi Israël d’une manière qu’aucun Israélien n’aurait pu imaginer. Quelques centaines de combattants palestiniens ont prouvé qu’il est impossible d’emprisonner pour toujours deux millions de personnes sans payer un lourd tribut. Tout comme le vieux bulldozer palestinien fumant a démoli hier le mur, le plus avancé de tous les murs et clôtures, il a également arraché le manteau de l’arrogance et de l’indifférence israélienne. Cela a également démoli l’idée selon laquelle il suffisait d’attaquer Gaza de temps en temps avec des drones suicides, et de vendre ces drones à la moitié du monde, pour maintenir la sécurité.

    Hier, Israël a vu des images qu’il n’avait jamais vues de sa vie : des véhicules militaires palestiniens patrouillant dans ses villes et des cyclistes de Gaza franchissant ses portes. Ces images devraient arracher le voile de l’arrogance. Les Palestiniens de Gaza ont décidé qu’ils étaient prêts à payer n’importe quoi pour avoir un aperçu de liberté. Y a-t-il un espoir pour cela ? Non. Israël va-t-il retenir la leçon ? Non. Hier, ils parlaient déjà de détruire des quartiers entiers de Gaza, d’occuper la bande de Gaza et de punir Gaza « comme elle n’a jamais été punie auparavant ». Mais Israël punit Gaza depuis 1948, sans s’arrêter un seul instant. 75 ans d’abus, et le pire l’attend désormais. Les menaces d’« aplatir Gaza » ne prouvent qu’une chose : que nous n’avons rien appris. L’arrogance est là pour rester, même si Israël a une fois de plus payé un lourd tribut. Benjamin Netanyahou porte une très lourde responsabilité dans ce qui s’est passé, et il doit en payer le prix, mais l’affaire n’a pas commencé avec lui et ne se terminera pas après son départ. Nous devons maintenant pleurer amèrement pour les victimes israéliennes. Mais nous devons aussi pleurer pour Gaza.

    Gaza, dont la population est majoritairement composée de réfugiés créés par Israël ; Gaza, qui n’a pas connu un seul jour de liberté. »

    (1) Un shekel = 0,24 euro.

    Haaretz 08/10/202